Grâce à l’amitié et à la chaleureuse complicité de Jeanne-Marie et Bernard qui ont la générosité de nous accueillir dans leur magnifique propriété proche de Sens, nous entamons ce qui est en train de devenir le traditionnel week-end de juin. Certains manquant à l’appel nous rejoindront le lendemain à Vézelay.
Après un intense brainstorming (« remue-méninges » en français) destiné à fournir une liste de mots de passe du site de l’association pour -au moins- un siècle , les présents (à l’exception de Bertrand laissé seul face à sa pile de copies à corriger) se dirigent vers le Son et Lumière projeté sur la façade de la cathédrale. Si le spectacle exploite abondamment la technicité moderne, nous estimons, à l’unanimité, qu’il est moins intéressant que le précédent.
Le lendemain, nous nous dirigeons vers la « colline éternelle » de Vézelay où s’établit la jonction avec le reste de l’escouade. La visite du village regroupé autour de sa rue principale qui aboutit à la basilique, se conclut par un déjeuner sur une terrasse ombragée d’où nous avons vue sur le but de notre équipée. La visite va commencer sous la houlette (toute pacifique, rassurez-vous) d’Hélène qui tente de résumer l’existence agitée du monument. Récapitulons brièvement (avec toutes les imprécisions des raccourcis) pour ceux qui n’auraient pas suivi : fondation au milieu du IXe s dans la vallée, ruinée par les Normands ; les moines se réfugient alors sur la butte qui allait prendre le nom de Vézelay. Ce monastère commence à devenir célèbre au XIe s : un moine aurait ramené de Jérusalem les reliques de Marie-Madeleine. C’est le début du succès, renforcé par le fait que le lieu devient un des points de ralliement des pélerins venus de l’Est de la France et de la vallée du Rhin, se dirigeant vers Compostelle. En 1120 un grand incendie génère de nombreuses victimes et de très importants dégâts qui entraînent la reconstruction de l’actuelle nef. Il est suivi de l’ incendie de la crypte en 1165 qui conduit à son réaménagement et à la réédification du chevet. Saint Bernard y prêche la seconde croisade en 1146. A partir de 1160-70, les moines ne dépendent plus de Cluny (bénédictins), maison auprès de laquelle l’abbaye avait été affiliée en 1100 par son abbé, Artaud. Le XIIes connaît l’apogée de Vézelay. Au XIIIes, malgré les pèlerinages de saint Louis, Vézelay subit la concurrence provençale qui prétend posséder les vraies reliques de Marie-Madeleine. S’ensuit son déclin, ponctué au XVIes par sa transformation en chapitre de chanoines et son appropriation éphémère par les protestants. Les siècles suivants voient la dégradation des bâtiments qui sont partiellement ruinés, en particulier le cloître dont on peut aujourd’hui voir l’emplacement. A la veille de la Révolution, si le choeur est relativement préservé (car il sert au culte), le narthex et la nef sont ouverts à la pluie et au vent, sans porte et avec une couverture défaillante. Les bâtiments monastiques sont vendus à des entrepreneurs. Au XIXes, la basilique est en très mauvais état lorsque Viollet-le-Duc entreprend sa restauration de 1840 à 1859.
Notre visite est interrompue par un mariage en grandes pompes, ou plutôt en stilettos et sortes de cothurnes rendant la démarche disgracieuse et conduisant nombre de ses zélatrices aux urgences d’orthopédie. Bien dans nos baskets, nous leur abandonnons la place et nous dirigeons vers le musée Zervos-Maison Romain Rolland, demeure fort agréable et bien aménagée, riche des collections du célèbre éditeur des Cahiers d’Art (Braque, Laurens, Picasso, Poliakoff, Calder, Ernst etc…etc…et aussi de pièces archéologiques des Cyclades, de la Grèce continentale et de Syrie) et du souvenir de l’écrivain pacifiste Romain Rolland dont la vue de la chambre-bureau, sur la perspective du Morvan, nous fait rêver.
Repartis vers la basilique (la route n’est pas très longue mais la pente est raide, et le soleil puissant ), la deuxième partie de notre découverte du monument, de ses tympans, de ses nombreux chapiteaux -avec mention spéciale pour celui du Moulin mystique-, de sa crypte qui abrite le beau reliquaire néogothique de Marie-Madeleine dû à l’orfèvre Pousielgue-Rusand (1876), est sévèrement écourtée par un intraitable moine de la fraternité de Jérusalem qui pousse fort peu fraternellement en dehors de l’église tous ses visiteurs.
Si le retour se passe sans encombre pour la plupart des membres du groupe, il n’en est pas de même pour deux d’entre nous qui, mus sans doute par un tropisme méditerranéen, s’élancent vers le sud. Fort heureusement, ces deux individus (dont nous taisons le nom par bénignité mais qui se reconnaîtront) se rendront compte de leur erreur de navigation et feront machine arrière à temps pour arriver au moment précis où, las de les attendre, leurs compagnons font sauter les bouchons des bouteilles pour un apéritif qui scellait ce formidable week-end.
H.G.